La permaculture : alternative à une agriculture en crise ?
Que vous soyez cultivateur de métier ou simplement amoureux de votre potager, vous avez certainement déjà entendu parler de la permaculture. Ce procédé à la mode et pourtant pas novateur est perçu tantôt comme un moyen d’améliorer le potager de son jardin, tantôt comme la révolution nécessaire à toute notre production de fruits et légumes. Une certitude : la biodiversité est en danger, et l’agriculture telle que pratiquée dans nos campagnes en est l’une des causes. A la recherche de solutions – et en passant d’un nouveau sens – de nombreuses personnes d’horizons divers s’intéressent à cette méthode pour produire plus et mieux : la permaculture. Mais en quoi consiste-t-elle ? Qu’apporte-t-elle de différent ? Qui est concerné ? Attention, à la fin de cet article vous ne verrez plus votre jardin de la même façon !
L’agriculture conventionnelle et ses limites
L’agriculture classique, devenue intensive depuis les années 70 et l’utilisation massive des pesticides, connaît aujourd’hui une crise qui pourrait nuire à terme à l’approvisionnement global de notre société. Précisons en outre, que les méthodes utilisées finissent par consommer davantage d’énergie qu’elles n’en produisent.
Appauvrissement des sols, fin programmée de l’agriculture intensive
L’agriculture conventionnelle utilise de plus en plus de produits chimiques coûteux et ravageurs, pour des résultats de moins en moins probants. La raison en est bien connue, les pesticides appauvrissent petit à petit les sols en détruisant la vie qui les régénère habituellement. Les cultures sont ainsi de moins en moins hautes, et perdent en nutriments. Toujours davantage de produits sont injectés pour compenser, en un cercle vicieux qui ne peut avoir qu’une issue catastrophique.
A cela s’ajoute l’absence de rotation des cultures et l’utilisation d’engins, qui ont également des conséquences nuisibles : tassement et asphyxie des sols, mauvaise filtration de l’eau, réduction du stockage de carbone. La monoculture, règle ancrée dans nos pratiques agricoles, est catastrophique pour la biodiversité de la terre nourricière. A long terme, ces facteurs laissent craindre que nous ne parvenions plus à faire pousser les quantités nécessaires à nos besoins.
Les agriculteurs sous pression
Une crise sociale de plus en plus médiatisée touche nos agriculteurs pressés comme des citrons par une industrie de la distribution ou agroalimentaire qui leur en demande toujours davantage à des prix toujours plus bas. La rentabilisation d’une exploitation classique est aujourd’hui un défi parfois insurmontable, notamment à cause du prix des équipements nécessaires. Toujours plus perfectionnés, ceux-ci demandent souvent un endettement comparable à celui de l’achat d’une habitation. Certains agriculteurs affirment être obligés de vendre leur production en dessous du prix réel de revient.
Les normes de plus en plus contraignantes concernant les exploitations pèsent également sur le travail agricole au quotidien. La traçabilité accrue des bêtes et produits, les contraintes administratives, demandent un temps que les agriculteurs n’ont pas. Transformer le cadre de leur travail se révèle de plus en plus nécessaire.
La vie sauvage en danger
Une crise générale de la biodiversité enfin, car l’urbanisation et l’agriculture moderne ont presque éradiqué les bastions de vie de nos campagnes. Haies et bocages ont disparu, au profit d’immenses champs délimités par les routes. Nombre d’espèces animales ont ainsi été privées de leur habitat et sont donc en train de disparaître. Les fleurs des champs ne trouvent plus leur place que dans les rares fossés. Les bactéries et insectes du sol et hors-sol sont décimés par la chimie moderne. Entraînant par ricochet la disparition rapide des oiseaux qui ne trouvent plus de quoi se nourrir. Deux-tiers des oiseaux des champs auraient ainsi disparu en… vingt ans !
La gravité de ces catastrophes pousse un nombre croissant de personnes, agriculteurs ou particuliers, à mettre en place des projets plus respectueux de la nature. Une agriculture raisonnée, le retour des haies qui abritent des trésors de biodiversité et… la permaculture.
La permaculture, pour un développement plus durable
Notre vision et nos méthodes agricoles évoluent, le défi étant de produire suffisamment face aux besoins énormes de notre société, tout en respectant davantage les écosystèmes naturels. Trouver un équilibre qui puisse perdurer sur le long terme. Si elle demande une préparation longue et complexe, la permaculture constitue en ce sens une alternative de choix !
Un procédé qui ne date pas d’hier
Pour la petite histoire, la permaculture fait aujourd’hui l’objet de recherches scientifiques dans le bassin de l’Amazonie. A l’époque de la colonisation, des explorateurs s’étant aventurés dans la jungle ont rapporté avoir découvert une tribu de cinq mille âmes, vivant en pleine forêt. Inconcevable, ont jugé les autorités de l’époque, qui ont emprisonné les pauvres hommes. Pourquoi ? Parce qu’il était impossible de nourrir autant de personnes au milieu de la jungle, par la chasse et la cueillette de rigueur dans cette région.
Pourtant, les recherches récentes ont montré que les explorateurs étaient dans le vrai. Cette tribu, par une pratique agricole qualifiée aujourd’hui de permaculture, parvenait à faire pousser de quoi nourrir des milliers de personnes sur un terrain de trois cents mètres carrés. A cet endroit a été retrouvée la terre la plus fertile connue à ce jour, qui leur permettait de bénéficier de plusieurs récoltes chaque année. Les scientifiques tentent toujours de reproduire l’exploit en Amazonie et ailleurs dans le monde, en vain pour le moment tant la préparation du sol est un procédé complexe.
Dans le monde occidental, la permaculture est citée dans des ouvrages dès le XVIIe siècle. Elle est véritablement mise en pratique par un agriculteur japonais au XXe siècle, et théorisée par des scientifiques australiens dans les années 70.
La permaculture, c’est quoi ?
Précisons que la permaculture dans son ensemble vise à créer un modèle de société humaine plus respectueuse de son environnement et de la biodiversité, résiliente et socialement équitable. Le terme est aujourd’hui surtout employé pour définir une nouvelle méthode de culture agricole. Pour faire court, la permaculture vise à permettre une agriculture abondante et durable en préservant l’intégrité et la vie des sols, et en consommant une énergie réduite, surtout en comparaison de l’agriculture classique. Le principe est de reproduire la méthode de la nature pour fertiliser les sols, en y intégrant les différentes composantes essentielles, organiques et végétales. Scientifiquement, on parle de concevoir un système inspiré de l’écologie naturelle.
Concrètement, il s’agit avant tout d’une réflexion suivie d’une démarche visant à optimiser la fertilité du terrain visé, afin d’y développer des écosystèmes durables et autonomes. Attirer les insectes appropriés, implanter les fleurs utiles, déposer des déchets organiques, pratiquer une systémisation des couvertures végétales, favoriseront la mise en place d’un écosystème riche. Utiliser à bon escient l’énergie solaire et l’eau à disposition se révèlera également profitable. Rien n’est gaspillé en permaculture, puisque chaque déchet généré servira à renforcer la richesse de l’ensemble. Planter les fruits et légumes contribuera à ce processus, le plus pertinent étant d’exploiter le concept de verticalité afin d’optimiser l’espace dont on dispose et d’avoir la récolte la plus abondante possible.
Enfin, un autre levier fondamental de la permaculture est l’absence totale d’utilisation de produits chimiques. Elle restaure la vie à l’état naturel, et utilise à bon escient même les animaux qui sont la plupart du temps considérés comme des nuisibles.
La permaculture n’est pas qu’un ensemble de techniques
Sur son terrain, le permaculteur fera appel à des méthodes dont les noms se démocratisent, tels que :
- Le compost pour apporter du fertilisant.
- Le paillage pour conserver l’humidité dans le sol.
- La culture sur buttes, ou sur planches verticales, l’idée étant de cultiver serré.
- Les bombes de graines.
- Le zonage pour organiser l’espace, etc.
La liste n’est pas exhaustive, loin de là. Mais il faut bien comprendre que quel que soient les procédés utilisés, ils ne constituent pas la permaculture en tant que telle. Ils ne font qu’en matérialiser les principes fondamentaux. La permaculture est une philosophie avant tout. Utiliser les ressources du lieu où l’on se trouve, les maximiser. En fait, agencer la nature de façon optimisée, pour son bien et pour le nôtre.
Reste à déterminer, tout de même, ce que vous pourrez planter en avril, en juin ou en octobre. Ou encore ce que vous pourrez planter avec des tomates, des courgettes ou des fraises. Car la permaculture c’est aussi cela : étudier les bonnes interactions entre les fruits et légumes pour qu’ils s’enrichissent mutuellement et attirent aussi les bons insectes.
Adapter la permaculture à notre société contemporaine
Pour que la permaculture atteigne son objectif global, il sera nécessaire de la développer à l’échelle locale et non internationale comme l’est l’agriculture actuelle. Peut-être faudra-t-il apprendre à se passer de certains fruits lointains, ou du moins à réduire leur consommation. Tout le monde est concerné.
La possible mutation de l’agriculture conventionnelle
Le premier concerné par la modification de notre manière de cultiver sera évidemment l’agriculteur. Après le recours irraisonné aux pesticides, puis le passage pour un grand nombre à l’agriculture biologique – qui présente aussi des inconvénients notamment à cause de son appropriation par l’industrie – voici que le concept de permaculture entre dans le monde agricole. Il existe des freins à ce changement, que l’agriculteur doit pouvoir surmonter. D’abord, la conformité des fruits et légumes aux normes de la grande distribution demandera l’attention du cultivateur, ou une modification de ses cibles de vente.
Également, la préparation du terrain demande plusieurs années, durant lesquelles la récolte sera interrompue. La solution est alors de convertir progressivement la surface agricole – la permaculture permettant sur une surface réduite d’obtenir un rendement nettement supérieur à l’agriculture conventionnelle, l’agriculteur se retrouvera naturellement avec des récoltes plus importantes qu’avant. A terme, chaque parcelle demandera davantage de travail, mais il pourra réduire de façon conséquente la surface cultivée pour le même rendement.
Il sera nécessaire que la politique agricole appuie les agriculteurs désirant évoluer vers ce mode de culture, pour que les filières de distribution suivent le même mouvement.
L’appropriation par les particuliers
Venons-en à chacun d’entre nous, qui dispose d’un bout de jardin ou même d’un balcon et cella est bon pour la santé! La permaculture demande un investissement en temps, il est donc nécessaire d’avoir l’envie de cultiver nos propres fruits et légumes frais. Mais le plaisir de la récolte en vaut la peine, vous diront les jardiniers passionnés. D’autant plus que la variété et l’abondance des produits est la règle dans ce domaine.
L’avantage certain est le gain de place par rapport à un potager classique. Il est possible de faire pousser sur un mètre carré, ce qui serait classiquement produit sur dix, voire plus. Imaginez votre balcon de ville, nanti d’une planche qui vous permet de faire pousser – plutôt verticalement – des tomates, des concombres, des baies. De nombreux ouvrages traitent aujourd’hui du sujet et vous indiqueront comment procéder pour la préparation, ou quels fruits et légumes mélanger pour optimiser vos rendements.
La culture urbaine en pleine expansion
Il est tout naturel à la fin de cet article, de signaler les nombreux projets collectifs récents qui envahissent le cœur des villes. Les initiatives de jardins potagers en permaculture se multiplient, notamment au sein des habitats collectifs et des quartiers engagés. Voisins se réunissent ainsi autour de bacs de bois le plus souvent, dans lesquels ils s’amusent avant tout à développer la vie. Puis sont enchantés de la quantité de fruits et légumes qui émergent de leur activité. Car il est encore plus drôle de cultiver ensemble que seul sur son balcon. Et plus efficace, par la mise en commun des moyens et connaissances.
Les projets les plus ambitieux permettent la récolte, en plein centre-ville, de centaines de kilos de légumes par an. Une avancée qui peut nous permettre de repenser notre approvisionnement alimentaire, et notamment de limiter les transports et les nuisances qui leur sont liés, en termes de coût et de pollution.
Enfin, n’oublions pas que la verdure est synonyme de réduction du stress, sinon de bonheur. Quand on sait que l’équivalent d’un grand département français disparait chaque décennie sous le béton, il est peut-être temps d’inverser le processus, pour le bien des générations futures et de la planète entière.
Outre l’accroissement d’une production plus saine, ou selon le cas les économies réalisées par la production de nos propres légumes en tant que particuliers, la permaculture constitue une réponse à une vraie problématique de société. Elle offre un accroissement bénéfique de notre production tout en luttant contre le réchauffement climatique par ses besoins réduits en eau et la surface agricole gagnée qui pourrait faire l’objet d’une reforestation par exemple. Elle participe au retour auquel une part croissante de la population aspire, à un mode de vie plus naturel, plus intégré à son environnement et par là-même respectant toute vie qui nous entoure. En cela, oui, la permaculture est une idée à creuser sans risque de se planter ! Si elle vous a déjà traversé l’esprit, n’hésitez pas à lancer vos premiers essais. Une profonde satisfaction intérieure et un sentiment de bien faire vous envahiront à la première tomate bien rouge que vous détacherez de sa branche !
article rédigé par Guillaume